Les régions thaïlandaises collées à la frontière birmane, entre Mae Hong Son et Sangklaburi, abritent depuis longtemps de nombreux peuples tels que les Lahu, Hmong et Lawa, mais surtout Karen et Môn. Depuis une cinquantaine d’années, se sont mêlés à eux des Kayan, Kayaw et Kayah, différents peuples regroupés sous l’appellation Karenni, fuyant les incessants conflits du côté birman. Certains villages se sont organisés en communautés villageoises écotouristiques avec l’aide d’ONGs. Au cours d’un nouveau programme, sélectionné pour le vote du « Voyage de l’année 2022 » par le magazine Grands Reportages, nous allons à la rencontre de ces peuples, aussi bien dans les régions de Létongku et Mong Kua, recoins très isolés environnés par de grands parcs nationaux, que plus au nord, le long du fleuve Salouen et dans la région de Mae Hong Son. En raison de la situation actuelle en Birmanie avec la nouvelle junte militaire, ce voyage nous donne aussi l’occasion de garder le lien avec ces différents peuples chez qui nous ne pourrons pas retourner avant longtemps, même si la Birmanie rouvre ses portes prochainement.
Nouveau voyage chez les peuples Karen et Karenni
Nous venons de mettre sur pied un nouveau voyage en Thaïlande : Immersion chez les Karen et Karenni, surtout les Karen et les différents groupes de Karenni. Nous allons depuis de nombreuses années à la rencontre des Karen de la région de Létongku, au sud de Umphang, où nous organisons plusieurs voyages avec Daniel Gerbault, axés notamment sur la participation à des fêtes.
Dans ce nouveau voyage, l'objectif est de coupler la région de Létongku avec celle, bien plus au nord, du village de Huay Pu Keng, dans la région de Mae Hong Son, à la rencontre des peuples karenni, chez qui nous allions en Birmanie entre 2012 et la crise du Covid-19, mais que nous ne pourrons plus approcher à court ou moyen terme suite à la prise de pouvoir par une nouvelle junte militaire en Birmanie en février 2021.
En extension, nous proposons ensuite de faire un trek pour quitter Létongku vers le sud à travers les parcs nationaux pour rejoindre en cinq jours de marche la région de Sangklaburi. Cela nous évite d’avoir à faire un long trajet en véhicule pour revenir vers Mae Sot et prendre un avion pour rejoindre Bangkok.
Tisserande kayan dans le village de Huay Pu Keng © Fair Tourism
Les Karen, peuple du nord de la Thaïlande
Les Karen sont l’un des principaux peuples d’Asie du Sud-Est continentale, répartis le long de la chaîne montagneuse qui sépare aujourd’hui la Thaïlande de la Birmanie. De langue tibéto-birmane, ils sont au total environ 4 millions, dont 80 à 90 % habitent en Birmanie.
En Thaïlande, l’ensemble des groupes karen est réparti sur quinze provinces tout au long de la frontière avec la Birmanie, depuis le nord de la province de Chiang Rai jusqu’à l’isthme de Kra. La plupart sont venus de Birmanie au cours des trois derniers siècles, par vagues de migration successives. Leur implantation dans les montagnes au nord-ouest de la Thaïlande est principalement la conséquence des différents conflits qui les ont opposés aux Thaïs et surtout aux Birmans au cours de leur histoire.
Ce fut récemment le cas avec le conflit incessant qui opposait les rebelles karen à la junte militaire birmane depuis les années 1950, qui s’était fortement apaisé depuis le changement de régime en Birmanie entre 2012 et 2021 et les accords de paix qui ont permis d’ouvrir de nombreux postes frontaliers entre Birmanie et Thaïlande. Malheureusement, depuis février 2021, la situation est redevenue conflictuelle avec l’irruption d’une nouvelle junte militaire.
Certains Karen ont été convertis au christianisme par des missionnaires occidentaux depuis les années 1840, d’autres sont bouddhistes, mais tous sont animistes. Ils vénèrent l’esprit du riz comme celui de l’eau élément indispensable à la riziculture.
Jeunes karen de la région de Létongku © Daniel Gerbault
Les peuples karenni de Thaïlande
Sous l'appellation Karenni, on retrouve principalement les peuples suivants : Kayan, Kayah et Kayaw, mais aussi quelques autres, originaires de l’État kayah de Birmanie, frontalier avec la province thaïlandaise de Mae Hong Son :
- Les Kayan : répartis en plusieurs sous-groupes qui habitent dans l'État kayah, mais aussi le sud de l'État shan, ils sont 60 000 environ au total et beaucoup sont devenus chrétiens avec l'influence des missionnaires évangélistes, mais aussi catholiques italiens. Parmi eux, il y a le sous-groupe des Kayan Lahwi, et ce sont eux dont les femmes ont été surnommées « femmes-girafes » par l'explorateur franco-polonais Vitold de Golish dans les années 1950 et appelées Padaung, qui signifie « long cou » en birman.
- Les Kayah : le peuple le plus important de l'État kayah de Birmanie, auquel ils ont donné leur nom. Ils sont près de 100 000. Les femmes du peuple kayah ont été surnommées « femmes-éléphants » par l'explorateur Vitold de Golish dans les années 1950, certainement parce que les femmes kayah enroulaient traditionnellement des fibres végétales autour de leurs genoux. Elles ne le font plus que pour des fêtes et célébrations, mais certaines les gardent encore dans la vie quotidienne.
- Les Kayaw : ils sont près de 25 000, habitant surtout dans l'État kayah, mais aussi un peu au nord de l’État karen et au sud de l’État shan, souvent dans des régions montagneuses isolées, fiefs traditionnels des rébellions contre les juntes militaires birmanes. Ils sont en grande majorité de confession chrétienne, surtout catholique. Les femmes portent des anneaux de laiton sous les genoux et aux chevilles, ainsi que de lourds colliers descendant sur la poitrine et des bracelets en métal.
Femme kayan / femme kayaw à Huay Pu Keng © Fair Tourism
Village de Huay Pu Keng, habité par des peuples karenni
Huay Pu Keng est un village thaïlandais situé au sud-ouest de Mae Hong Son, tout près de la frontière birmane, au bord de la rivière Pai, affluent du puissant fleuve Salouen qui traverse la Birmanie du nord au sud. Ce village est ainsi devenu un refuge tout naturel pour les peuples karenni de l’État kayah fuyant la Birmanie et les exactions des juntes militaires, tels que Kayan, Kayaw et Kayah.
Pendant des années, les quelques villages de la région de Mae Hong Son qui abritent des réfugiés kayan ont fait l’objet d’une pratique touristique voyeuriste détestable en raison des spirales de laiton que portent encore de nombreuses femmes kayan lahwi autour de leur cou. Cette pratique fut combattue par des mouvements défendant les droits de l’homme, c’est ainsi qu’une ONG appelée Fair Tourism est venue assister les villageois de Huay Pu Keng afin de mettre en place un nouveau type de tourisme plus durable et respectueux de l’environnement et de l’humain, qui n’est plus avec une approche verticale, mais horizontale que l’on appelle Community-based tourism (CBT).
Le nombre de visiteurs est ainsi limité, et les villageois sont plus impliqués dans les échanges et ont de vrais revenus, qui ne partent plus vers d’autres poches. Ils partagent avec les voyageurs de passage leurs traditions, coutumes et valeurs, que ce soit chez les Kayan, les Kayaw et les Kayaw, mais aussi chez les Tai Yai, autre nom du peuple shan de Birmanie, qui habitent aussi le village.
Avec l’aide de Fair Tourism, Huay Pu Keng est ainsi le tout premier, et pour l’instant le seul village en Thaïlande, à avoir cette approche concernant ces peuples karenni, que nous avions dans l’État kayah de Birmanie. Ils ont notamment mis en place des activités et ateliers qui sont effectués entre locaux et voyageurs afin de partager la culture karenni et d’offrir une expérience inoubliable aux voyageurs.
Au cours de notre voyage Immersion chez les Karen et Karenni le long de la frontière birmane nous passons deux nuits au sein de ce village. Nous proposons également des immersions plus longues, de cinq à sept jours pour les voyageurs que cela intéresse, en extension à d’autres de nos programmes ou à insérer au sein d’un itinéraire individuel à travers la Thaïlande.
Rivière Pai près de Huay Pu Keng © Alex Brodard
Découverte du village karen de Létongku en Thaïlande
C’est le village préféré de notre ami Daniel, il s'y rend régulièrement, notamment avec nos voyageurs. Une culture karen préservée y subsiste, organisée autour d’un culte chamanique appelé telakhon. Létongku est un vrai cul-de-sac, au bout du bout des pistes, coincé entre parcs nationaux et la Birmanie, dans la chaîne des monts Dawna.
Les missionnaires baptistes américains ont tenté, en vain, de convertir les Karen de Létongku. Seules dix familles ont été converties. Les missionnaires se sont heurtés à un culte pratiqué par le mouvement millénariste telakhon qui compte de nos jours environ 16 000 adeptes répartis entre trente-et-un villages en Birmanie et trois en Thaïlande. Le chef religieux de ce culte est considéré comme un dieu vivant, le dixième d’une lignée de chamans.
Ce culte emprunte au bouddhisme son iconographie, son culte des reliques, certains de ses préceptes et en partie son calendrier rituel. Il emprunte au christianisme la prophétie du retour d’un messie et à l’hindouisme la vénération pour un gourou ascétique, l’interdiction de consommer les animaux d’élevage, et la divinisation de la nature.
Lors de la pleine lune et de la nouvelle lune, les fidèles se rendent au temple situé à l’extérieur du village, chargés d’offrandes : canne à sucre, ananas, le bétel, cultivé et chiqué en abondance, noix de coco, bougies en cire d’abeille confectionnées artisanalement. La tenue vestimentaire lors des cérémonies religieuses est la tunique blanche pour les hommes, symbole de pureté.
Daniel vient juste de terminer la rédaction d'un livre sur les Karen de cette région, édité par les éditions L'Harmattan le 15 février 2022. Si vous souhaitez en acquérir un directement auprès de Daniel vous pouvez aussi nous contacter car Daniel dispose d'un petit stock personnel.
Fidèles karen du culte telakhon près de Létongku © Sylvie Cauchy
Découverte du village karen de Mong Kua en Thaïlande
Lors d’un trek dans la région de Umphang effectué par Daniel, il y a quelques années, il a fait la connaissance de Lung Sommaï, un patriarche karen habitant le village de Mong Kua qui a une philosophie de vie en phase avec l’époque actuelle, à savoir la protection de l’environnement et plus particulièrement de l’eau et de la forêt. Sa famille ainsi que huit autres vivent dans des rizières traversées par la source d’un fleuve important de Thaïlande, le Mae Klong.
Il a fondé une communauté appelée Ton tale, signifiant « la source de la mer », dont le but est de protéger la qualité de l’eau du fleuve Mae Klong, qui se jette dans le golfe du Siam à 80 kilomètres au sud-ouest de Bangkok. Ils cultivent le curcuma bio, vendu à un hôpital réputé spécialisé dans la médecine traditionnelle thaï. L’engrais utilisé est 100 % naturel composé d’un compost de pousses de bambou, de guano de chauve-souris et de balles de riz. La communauté de Ton tale prône la polyculture, car la monoculture nécessite des engrais chimiques et des pesticides qui s'écoulent dans les cours d'eau, et ils plantent des arbres pour lutter contre l’érosion des sols.
Femme karen © Daniel Gerbault
Programmes plus courts à la rencontre des Karen de la région de Létongku et Mong Kua
Grâce à la connaissance acquise par Daniel Gerbault et les contacts qu’il a établis dans la région de Létongku depuis une vingtaine d’années, nous avons la chance de faire de belles immersions à la rencontre du peuple karen dans cette région isolée de Létongku et de Mong Kua. Nous avons mis en place un programme de 12 jours France/France accompagné par Daniel avec deux dates de départ principales, particulièrement stratégiques, car liées à des évènements festifs et célébrations, une fin novembre et l’autre fin février/début mars de chaque année.
Pour ceux qui souhaitent effectuer de la randonnée, nous proposons de ne pas revenir vers Mae Sot par la route, mais d’aller à pied de Létongku vers la région de Sangklaburi, plus au sud, à travers les parcs nationaux. Une aventure rare et encore très peu connue, en immersion dans la jungle, accompagnée par des pisteurs karen, avec cinq à six jours de marche et hébergement chez des petites communautés karen isolées. Nous rencontrons aussi parfois des moines bouddhistes de la forêt itinérants. À noter que cette option n’est cependant pas accessible à tout le monde, car assez physique.
Le programme Immersion chez les Karen et Karenni le long de la frontière birmane
a été élu Voyage de l'année 2022 dans la catégorie Grand Voyage par Grands Reportages.
Partir en Thaïlande avec Tamera
Basée dans le vieux Lyon, l'agence Tamera est spécialiste des voyages et treks en Thaïlande. Nous partons en trek dans des régions exceptionnelles et peu connues juste en bordure de la Birmanie, nous naviguons à travers les îles, nous immergeons dans des communautés isolées... Nos experts vous aideront à identifier les programmes qui correspondent le mieux à vos envies, votre expérience et votre condition physique.