G, T, A, M, ces quatre lettres synonymes de « Grande Traversée de l'Atlas Marocain », à l'instar de la Via Alpina et du sentier Hollande-Méditerranée (le GR©5...) en Europe, des Grandes traversées du Népal et de l'Himalaya en Asie, Te Araora en Nouvelle-Zélande ou encore John Muir Trail et Appalachian Trail en Amérique du Nord... sonnent assurément à votre oreille comme la promesse d’une série de découvertes plus grandioses les unes que les autres en suivant un itinéraire d'exception. Grand voyageur, passionné de randonnée et de photographie depuis son plus jeune âge, notre ami Pierre Martin va guider d’avril à juillet de cette année cette Grande traversée pour Tamera. Nous avons un leitmotiv commun : la découverte des populations locales et des paysages à pied. Pierre a voyagé plus d’une vingtaine de fois au Maroc et dans l’Atlas Marocain, au cours desquelles il a pu tisser de forts liens avec des Berbères marocains. Pierre nous raconte son expérience de cette Grande traversée de l’Atlas marocain et comment cet itinéraire est construit.
© Vincent Kronental
Premier voyage dans l’Atlas marocain
Au retour de mon premier voyage dans l’Atlas marocain, quelle claque ! Cela remonte à une trentaine d’années à l’occasion d’une randonnée dans la région du Toubkal. Venu pour « vaincre » un sommet, le Jbel Toubkal qui, avec ses 4 167 mètres est le plus haut sommet d’Afrique du Nord, je repartais avec en mémoire d’exceptionnels paysages de montagne, mais aussi des images de plateaux cultivés où l’orge vert fluo contraste si bien avec l’ocre de la terre et le rouge profond des roches métamorphiques.
J’avais aussi traversé de nombreux villages aux maisons simples de pisé dans lesquels notre caravane avait été accueillie avec force sourires et invitations à entrer dans les maisons partager un thé à la menthe et du pain d’orge trempé dans l’huile. Que de souvenirs d’instants partagés…
Rencontre au tizi n'Tirecht © Pierre Martin
Les acteurs de la montagne marocains qui m'accompagnaient à l'époque avaient évoqué de nombreuses fois lors de nos discussions sous la khaïma, la traditionnelle tente berbère, le terme de « GTAM ». Qu’est-ce que cette appellation ? J'entendais citer pour la première fois les noms de Michaël Peyron et d'Hamish Brown.
À l’époque, pas d’Internet ou de Google, c’est dans les rayonnages des librairies spécialisées que j’ai initialisé ma quête d’informations dès mon retour en France. J’ai pu ainsi découvrir que quelques personnes s’étaient penchées sur ce sujet de création d'une traversée au long cours de l'Atlas. Entre autres, les membres du Club alpin de Casablanca qui avaient, parfois l’espace-temps d’un week-end, exploré l’espace, des plus hauts sommets rocailleux au moindre vallon agraire du piémont.
Lors de leur expédition, parfois assimilable à de la marche commando (on parlait quelquefois d’amplitudes de temps de marche supérieures en tempsL à la demi-journée…), ses membres avaient fait un travail de fond, laissé quelques traces écrites et aussi cinq refuges d’altitude au cœur du massif du Toubkal. Le premier ouvrage que j’ai eu entre les mains fut Le Haut-Atlas d’André Fougerolles (ed. Glénat). L’auteur, qui avait été chargé d’une mission de recensement des ressources hydro-électriques du Maroc, avait eu l’occasion de parcourir en long, en large et en travers le massif.
Bien heureusement (pour nous), il avait laissé ce témoignage écrit et photographique. L’ouvrage couvrait (le verbe est au passé, car il est très difficile de l’acquérir à présent...) un domaine beaucoup plus large que le simple massif du Toubkal dans lequel j’avais randonné. Au-delà des paysages, ce beau livre présentait les modes de vie des Berbères, ce qui n’était pas pour me déplaire. Il va sans dire que cet ouvrage devint très vite mon livre de chevet…
Franchissement du tizi n'Tilst © Pierre Martin
Depuis ce premier voyage, je n’ai eu de cesse d’abord de compulser des ouvrages en rapport avec cette chaîne de montagnes découvrant son potentiel infini de randonnées, puis, dans un second temps, de m’y rendre occasionnellement, avant d’augmenter mon temps de présence sur place lors de cette dernière vingtaine d'années.
En parallèle, sur Internet (ça y est, on est entré dans le XXIe siècle et nombre de personnes commencent à considérer que c’est un excellent vecteur d’information et y déposent leur contenu), on voit apparaître quelques références d’articles rédigés par des randonneurs au long cours et qui s’étaient « attaqués » à ce morceau. Plus de 100 jours ! Je retrouve les noms d’Hamish Brown (et son ouvrage désormais introuvable The Mountains Look on Marrakech) et de Michaël Peyron. Ce dernier avait fait paraître dans les années 70-80 un ouvrage édité à compte d’auteur sur la GTAM.
Malheureusement, là aussi, pas de possibilité de se procurer le livre même sur le marché de l’occasion. Grrr ! Depuis le temps, ça s'est arrangé, puisqu'il m'a offert son dernier exemplaire papier pour que je le scanne et le mette à disposition de notre communauté de trekkeurs, sur le site web consacré à la randonnée et au trekking que j'anime.
Descente du plateau de Tarkedit © Pierre Martin
Dire que je suis tombé « amoureux » de cette contrée est un doux euphémisme, tant la beauté des paysages et la gentillesse des Berbères m’avaient interpellé. Mes « contraintes » familiales et professionnelles de l'époque m'interdisaient d'envisager la réalisation d'un seul jet de la fameuse traversée depuis Midelt jusqu'à la cuvette d'Argana, jusqu'alors périmètre de la GTAM « officielle » (nous verrons plus avant que les repérages que j'ai pu faire ont permis d'étendre ce périmètre jusqu'à venir toucher l'océan...).
Alors « contre mauvaise fortune, bon cœur », je décidai de segmenter la bambée en étapes d'une durée de 3 semaines chacune, en commençant au printemps 2005 par la plus connue et la plus montagneuse disait-on..., en tout cas la plus touristique, celle d'Agouti à Imlil, qui englobe l'ascension de deux des douze sommets emblématiques de l'Atlas marocain qui dépassent les 4 000 mètres, le M'Goun et le Toubkal. C'est celle-ci que pompeusement toutes les agences de trekking (ou presque...) nomment « GTAM » alors qu'elle ne correspond qu'au cinquième de l'itinéraire...
Dans mon cas, les années suivantes verront se réaliser 4 étapes complémentaires à la première qui permettront de former une GTAM complète de Midelt à l'océan Atlantique avec des possibilités de variantes. Ultérieurement, la réalisation de nombreux circuits ayant pour cadre la montagne marocaine permettra de compléter mes connaissances et ainsi pouvoir aujourd'hui proposer cette mouture de GTAM aux tracés les plus fabuleux possibles, choisis parmi la kyrielle de vallées et de cols par lesquels on peut passer... Ce sera « notre GTAM ».
Oui, je le conçois, 85 jours de marche, c'est long, ce n'est vraiment pas évident de s'absenter pour une aussi longue période mais, si vous en avez la possibilité, vous pouvez opérer comme je l'ai fait moi-même à l'origine, en segmentant le parcours en étapes. Ces étapes, nous les proposons d'un mois sur cette GTAM, et le complément à réaliser dans les années futures...
Les caractéristiques de cette Grande traversée
Voilà, c'en est fini avec cette (longue...) introduction, mais qui, je le pense, était nécessaire pour présenter le contexte qui fait que cette Grande traversée de l'Atlas marocain intégrale, à laquelle nous vous proposons de vous joindre, est exceptionnelle. En quoi donc ?
L'Angour © Pierre Martin
- Elle se déroule en sens inverse du « sens commun » au départ d'Essaouira (et non pas d'Argana, correspondant à l'intégration des 12 jours « maritimes » ) et se finira à Midelt, un village aux confins des plateaux du Moyen-Atlas.
- Elle s'étale sur 85 jours et est segmentée en 3 étapes d'un mois.
- Elle s'adresse à une population de randonneurs, certes endurants, mais pas obligatoirement à forte connotation sportive (ceci dit, les sportifs sont les bienvenus... mais ils devront ronger leur frein par respect pour les autres participants et les accompagnants, mules et muletiers).
- Elle emprunte nombre de passages parcourus au cours de mes précédentes pérégrinations dans le cadre de l'exécution des GTAM, mais j'y ai aussi intégré quelques-uns, alternatifs, dont j'ai pu découvrir l'existence lors de repérages ultérieurs. Souvent, hors des sentiers battus, voire sans sentier du tout, par exemple lors des parcours de crêtes, ils apporteront à l'exécution de cette traversée un peu du piment que revêtent les phases d'exploration et de découverte.
- Il y a au programme de cette GTAM des variantes « obligées » se rapportant à des itinéraires qui sont aujourd'hui « pollués » par la récente construction de pistes et de routes goudronnées et pour lesquels nous défricherons le terrain.
Lever de soleil sur le lac Isly © Pierre Martin
- Nous avons prévu de faire une dizaine d'ascensions de sommets, toutes ou presque en traversée, mais nous nous en tiendrons à rester dans une connotation trekking (donc, pas d'escalade !).
- La longueur des journées de marche sera conditionnée par la présence d'une source au bivouac et si possible d'un espace où poser les tentes dans des conditions confortables, mais elle sera majoritairement contenue à 5 heures de temps effectif quotidiennement (3 heures de marche le matin, une longue pause le midi et 2 heures en milieu de l'après-midi une fois que le soleil aura commencé à décliner, c'est une moyenne quotidienne lissée sur la totalité du périple...).
- Et pour finir, il faut prendre conscience que la montagne marocaine ce ne sont pas que des paysages que l'on traverse et que l'on contemple en évoluant en autarcie ! Nous aurons l'occasion de croiser beaucoup de monde, ça je peux vous l'assurer... La cérémonie du partage du thé à la menthe (et tout ce qui va avec...) sera un moment privilégié lors de nos rencontres quotidiennes, que ce soit lorsque nous serons invités à pénétrer dans la salle d'apparat d'une maison, souvent celle du chef du village pour lequel c'est un grand honneur de recevoir des visiteurs et l'occasion de mettre les « petits plats dans les grands », ou alors sur le bord d'un chemin, abordés par un berger qui a une soudaine envie de « tailler une bavette », comme ça, sans chichis...
Les 3 étapes de cette Grande traversée de l’Atlas marocain
Étape 1 – d'Essaouira à Ijoukak
Au sommet du Djbel Gourza © Pierre Martin
C'est une étape qui démarre en douceur par le sentier littoral qui relie Essaouira à Tamri, avant que nous ne bifurquions vers l'est pour traverser les plateaux calcaires veinés de profonds canyons de couleur rose qui précèdent la cuvette d'Argana, la caldeira d'un très vieux volcan.
Ensuite, de vallée en vallée, nous remontons vers le plateau du Tichka (ne pas confondre avec le tizi n'Tichka...!), un exceptionnel espace de pâturages verdoyants, source d'un fleuve emblématique de l’Atlas marocain, le Nfis. Nous en suivons le cours ponctué d'empilements de grès roses avant de contourner par sa base le massif de l'Igdet pour rejoindre la vallée de l'Ougdemt et la halte rafraîchissante d'Arg pour une journée de repos (noter, pour ceux qui ne sont pas fatigués, la possibilité d'accrocher à leur « tableau de chasse » le sommet de l'Igdet et ses 3 616 mètres, une superbe vigie sur le Haut-Atlas occidental).
Puis, nous nous engageons sur un tracé plutôt hors sentier avec le suivi quasi-intégral des crêtes de l'Erdouz au Gourza, des sommets qui tous dépassent les 3 000 mètres. Il sera temps de terminer notre première étape de GTAM par une descente ininterrompue jusqu'au Nfis et pénétrer dans le havre de quiétude qu'est le gîte de mon ami El Mahjoub à Ijoukak.
Étape 1 de la grande traversée de l'Atlas marocain : Essaouira à Ijoukak.
Étape 2 – d'Ijoukak à Abachkou
Cascades de Setti Fadma © Pierre Martin
Nous allons commencer par la traversée tranquille d'une forêt de cèdres et de pins pour rejoindre les contreforts occidentaux du massif du Toubkal. Après cette première journée cool, nous allons de suite être mis dans l'ambiance « minéral intégral » propre à cet ancien massif volcanique effusif. Les vallées sont étroites et les parois basaltiques noir de jais brillent sous les rayons du soleil.
Nous nous élevons progressivement jusqu'aux 3 600 mètres au tizi n'Ouagane avant de nous rendre au sommet du Jbel Ouanoukrim, un 4 000 et un petit chouille..., bien moins fréquenté que son proche voisin le Jbel Toubkal. Pas de panique, ce n'est pas le point culminant du massif, mais de la cime, nous disposerons de panoramas exceptionnels sur les vallées alentour et au-delà, en toute quiétude...
Nous choisissons de basculer dans la vallée voisine des Azzaden, beaucoup plus calme que celle de l'Aït Mizane parcourue par l' « autoroute du Toubkal », un large chemin emprunté quotidiennement par les groupes de touristes et les caravanes de mules. Nous rejoignons Imlil en faisant un détour par le tizi n'Aguelzim et son impressionnant sentier de descente aux 93 lacets et le tizi n'Tizikert, un col grandement délaissé par les groupes, mais d'un intérêt supérieur.
Après la journée de repos dans le gîte de mon ami Ahmed à Aït Souka, nous nous dirigeons vers le plateau de l'Oukaïmeden pour rejoindre en traversant des espaces gazonnés les azibs Tiffardine en prélude au franchissement du tizi n'Ouhattar.
Le lendemain, nous nous offrons une après-midi baignade aux cascades de Setti Fadma pour nous préparer à la rigueur affichée de la quinzaine de jours qui suit à connotation plutôt chaotique, eu égard aux différents sommets que nous aurons à escalader : Anghomar et Rhat en préalable à la descente sur le village d'Abachkou marquant la fin de cette deuxième étape.
Étape 2 de la grande traversée de l'Atlas marocain : Ijoukak à Abachkou.
Étape 3 – d'Abachkou à Midelt
Arrivée au sommet ouest de l'Ayyachi © Pierre Martin
À coup sûr, ce devrait être la étape la plus typée « hors des sentiers battus ». Le relief s'y prête avec ses montagnes érodées et ses larges vallées. Mais, ne nous y trompons pas, nous restons dans un domaine d'altitude !
Trois jours après le départ, nous serons en train de suivre l'arête du M'Goun à plus de 4 000 mètres, avant de redescendre brièvement vers les villages entourés de cultures et de remonter le lit d'une rivière secrète, l'Imejdag, puis de nous engager dans la traversée des plateaux d'altitude de Bou Ighlan et du Koucer, en passant par l'arrière des fabuleuses aiguilles de Taghia.
Après la journée de repos à Aït Boulmane, ce sont deux grandes journées aquatiques avec, je l'espère, en regard de la hauteur d'eau que présentera l'assif Melloul au moment où on l'abordera, la remontée de fabuleuses gorges de couleurs ocre et rouge.
Puis ce sera Imilchil, une cité connue pour ses cérémonies de mariage colorées et bruyantes, les fameux Moussem (peu de chance d'y assister, et à part cela, ce n'est qu'un gros village étape où l'on pourra se ravitailler...). Le bivouac suivant aura pour cadre la rive ouest du lac Isli où coule une source miraculeuse (pas d'autre qualification vu l'état de désolation du site...).
Après avoir effectué la traversée du plateau des Lacs, nous prendrons une voie totalement novatrice qui nécessitera un peu de recherche d'itinéraire, car depuis mon passage dans le coin, il y a plus de 15 ans, routes et pistes se sont multipliées pour irriguer le moindre hameau, et il nous faudra trouver des passages encore vierges pour rejoindre le pied du dernier sommet de la GTAM, le Jbel Ayyachi qui, à 3 774 mètres, nous offrira une belle conclusion à ce voyage incroyable...
Étape 3 de la grande traversée de l'Atlas marocain : Abachkou à Midelt.
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