Toutes ces photos sont d'Henri. Avec nos chaleureux remerciements
Henri et sa compagne sont partis sur une expédition de trois semaines en Mauritanie, ralliant de l’Adrar le plateau du Tagant. Ce passionné de désert nous raconte les raisons de cette aventure et nous en fait partager les moments forts. Retour de voyage d’Henri après 3 semaines de traversée de l’Adrar au Tagant en Mauritanie (décembre 2013 à janvier 2014)
Henri, qu’est ce qui vous a donné envie de partir en Mauritanie?
Ma compagne et moi avions envie de retourner dans le désert. Or ces dernières années ont rendu les choses compliquées pour les amoureux du désert comme nous. Nous étions allés en Tunisie et au Maroc, et dans le sud Algérien avec Tamera il y a quelques années. De nos jours, les pays tels que le Niger, le Nigéria ou le Mali sont devenus vraiment difficiles d’accès, et nous ne connaissions pas la Mauritanie, alors c’était l’occasion idéale de découvrir un autre désert. La culture est différente de l’Algérie, ce sont des Maures et non des Touaregs. On trouvait ça intéressant.
Vous êtes partis dans quelles conditions ?
Nous sommes partis 3 semaines juste à deux en méharée avec un guide et deux chameliers. C’était un groupe fermé. Nous avions 2 chameaux de selle au cas où nos genoux blessés ne tiendraient pas mais finalement on a marché tout le temps. Ma compagne est montée à chameau 3 fois maximum. C’était une marche très agréable, d’environ 5 à 6 heures par jour. Les températures étaient agréables, avec des moyennes de 20 à 25 degrés. On est montés à 36 degrés une fois dans le sud. La nuit, on a eu un minimum à 9 degrés mais ce fut rare.
Quels ont été les temps forts de votre voyage ?
Ah, les temps forts ont été innombrables. Ce voyage a été une très belle surprise à tous points de vue. En fait, la Mauritanie, c’est tous les déserts en un. Peut-être qu’on n’y voit pas les dunes les plus hautes, les oueds les plus profonds, les tours de grès les plus folles, mais on ne peut être que fasciné par la diversité et la richesse de ce désert au paysage multiforme. On passe de petites dunes à un erg, d’un erg à un reg puis à des petits canyons et à des forêts d’acacias, c’est formidable et rare, tant de diversité. C’est un vrai concentré du Sahara.
Avez-vous fait des rencontres qui vous ont marqués ?
Les rencontres sont très fortes. Et multiples. Au fil de la marche on atteint des khaïma, on rencontre des petits groupements de familles avec leurs chèvres, moutons et leurs chameaux. Il se passe tant de choses là-bas. Je connaissais les déserts de sable à l’infini, ici c’est un désert multiforme et habité, actif, où il est très facile de rencontrer des gens. Nous avons été invités plusieurs fois a prendre le thé et le zrik sous la tente de coton blanche de ces femmes accueillantes et ouvertes.
Décrivez-nous ces moments de partage avec les familles
Cette facilité à rencontrer les nomades, je ne m’y attendais pas du tout. Souvent, alors qu’on posait le camp ou qu’on prenait une pause pour déjeuner, les femmes s’approchaient du guide et du chamelier et entamaient la conversation avec eux, puis nous incluaient dans l’échange et nous offraient à boire. C’était presque toujours des femmes, entourées de leurs vieux et des enfants. Il est vrai que ça se passait souvent pendant la journée, et les hommes étaient partis chercher du pâturage pour les chameaux. Je ne m’attendais pas à tant d’ouverture de la part de ces femmes. Je m’étais préparé à l’idée que ma compagne serait celle auxquelles les femmes s’adresseraient, pas à moi. Le pays s’appelle la République Islamique de Mauritanie, quand même. Alors je pensais au Yémen, où ce genre de contacts serait impensable. Cette expérience a battu en brèche certains clichés sur les coutumes et les cultures (rires).
Racontez-nous encore ce qu’on voit dans ce désert tellement diversifié ?
Pas mal de faune. Malheureusement il n’y a plus de grande faune saharienne, décimée, on ne voit plus de gazelles. Mais beaucoup de petits animaux. On a vu la buse féroce, le grand duc, des reptiles tels que le fouette queue, l’agame de Boulenger - un endémique exclusivement présent dans cette partie de la Mauritanie -, le varan du désert, et clou du voyage : quelques uns des derniers crocodiles du Sahara. C’était dans une guelta. Ils faisaient 1m70 de long environ, ça c’était magique. Les voir là, dans le désert…
Quelle a été la réaction de vos proches quand vous avez annoncé votre départ en Mauritanie avec votre compagne ?
(Rires) Oh on a tout eu ! «Vous avez ouvert un compte pour la rançon ? », « Vous êtes sûrs de vouloir faire ça ? » etc.. des commentaires mi-figue, mi-raisin, mais plutôt inquiets.
C’est ça l’ironie de la vie, parce qu’on a été accueillis avec une gentillesse, une générosité, une ouverture d ‘esprit, une prévenance infinies. On a été très frappés de ce que les gens sont inquiets de l’image qu’ils ont. En fait ils sont, je dirais, traumatisés par cette vague terroriste qui leur a fait tant de tort. A l’époque le tourisme s’ouvrait, et apportait des bienfaits à l’économie du pays, et tout s’est arrêté pour eux de façon violente aussi. Ils parlent facilement d’un temps passé plus facile. C’est en ça que je les ai trouvés très concernés par l’image qu’ils donnent, tout le temps, tant le long du trajet en 4X4 que lors de notre randonnée.
Et puis en termes de sécurité, on ne risquait rien : le trajet est hyper surveillé, avec des barrages de police très fréquents sur les routes. Mais de toutes façons, il y avait zéro animosité de la part des populations, hommes et femmes. J’ai rencontré un Islam très modéré, ouvert.
Est-ce que le tourisme s’est vraiment effondré ?
Oui, et on comprend facilement que la disparition du tourisme a été très douloureux pour eux. Je ne parle pas du tourisme de masse des charters à Chingueti, ça non, ce tourisme-là les a choqués. On a eu des discussions au sujet des touristes en shorts et t-shirts. Ils ne comprenaient pas. Mais ils ont une réelle curiosité de l’autre, une ouverture à ce qui est différent.
On n’a pas vu un seul touriste, à part le premier jour, un autre couple parti avec Tamera qui allait dans la direction opposée de nous. Au marché de Nouakchott par exemple, pas un seul visage étranger…
Un accueil pareil, ca appelle une réponse avec le même respect, la même modestie, cela mérite qu’on aille les rencontrer les yeux et le cœur ouverts.
Merci Henri. Est-ce qu’il y a quelque chose que vous désirez ajouter avant de se quitter ?
Oui ! (Rires) Laissez-moi faire un appel à tous contre l’utilisation des bouteilles en plastique dans le monde. C’est un carnage. Par exemple les portes de la ville de Chingueti, c’est un dépotoir, cette ville mythique qui croule sous le poids du plastique… ça fend le coeur Alors qu’une gourde avec du Micropur fait si bien l’affaire ! D’ailleurs permettez-loi de diriger vos lecteurs sur le site de l’association Océans sans plastiques. A noter, la Mauritanie, comme beaucoup de pays d’Afrique a interdit les sacs plastiques, donc on ne voit plus ces massifs d’acacias/sacs plastiques, mais il y a un travail énorme à faire sur les bouteilles maintenant.