Partons à la rencontre de trois communautés de macaques, toutes établies en bord de mer dans le golfe de Thaïlande. On y découvre que si certains ont inventé des outils de pierre pour mieux exploiter les ressources marines, d'autres ont découvert à l'instar d'Homo sapiens la musique. Assiste-t-on à la naissance de l'art chez nos cousins macaques ?
Bénéficiant grâce au dieu Hanuman d'une relative immunité, nous les suivons dans une ville côtière où la cohabitation avec les Hommes est parfois chaotique, donnant lieu à des scènes de dessins animés. Nos cousins velus ont su aussi apprivoiser l'élément liquide en plongeant en apnée dans l'océan, dans les mangroves saumâtres, mais également dans les piscines cristallines des complexes hôteliers. Yeux grands ouverts, sous l'eau ils poursuivent leurs jeux avec un plaisir communicatif.
Le marteau et l'enclume
© Cyril Ruoso
La manipulation de marteau et d'enclume pour le cassage d'une coque est considérée par les primatologues comme un geste d'une grande complexité. Pour s’en convaincre il suffit de mener l’expérience avec des enfants humains.
La maîtrise de ces outils par les macaques n’a rien à envier à celle des chimpanzés. Ils changent de marteau en fonction de la taille et du type de coquillage et même de technique selon que les mollusques soient attachés à leur substrat ou libres. Quand un outil leur va bien en main, ils le conserve pendant toute la session de nourrissage et se déplace avec. Encore une pierre dans le jardin des anthropologues qui, avides de définir des « propres de l'homme », ont longtemps avancé que si les animaux pouvaient utiliser des outils ils ne les transportaient pas, à l'instar de l'humain...
Certains macaques inventent même une forme de taylorisme en récoltant jusqu'à 5 ou 6 coquillages (petites coques), de quoi remplir une main, pour ensuite aller les casser à la chaîne tous au même endroit sur une belle pierre plate choisie à cet effet. Après ces observations, « Macaque » ne serait plus jamais une insulte.
Quand les progrès techniques compromettent l'avenir.
© Cyril Ruoso
Une étude a montré récemment que les techniques développées par ces macaques (sur une autre île dans le golfe de Thaïlande, elle aussi de petite taille), étaient si efficientes qu'elles mettaient en danger la ressource. C'est à ce jour l'unique cas connu d'exploitation non durable d'une ressource naturelle par un animal non humain !
La mer comme terrain de jeux
© Cyril Ruoso
Si on comprend facilement comment la mer et la côte peuvent représenter une source de nourriture, avec ou sans maîtrise des outils, on sera peut-être plus surpris de découvrir que l'eau est aussi source de divertissement. En particulier chez les plus jeunes, quand la mer est d'huile et le soleil brûlant. C'est alors courses poursuites amphibies, et sauts chorégraphiques en tout genre. Pirouettes en arrière, plongeons du haut des rochers de plusieurs mètres, chutes agrippés l'un à l'autre. Ils éprouvent les frissons des vertiges de la chute et de l'apesanteur du milieu aquatique.
On pourrait dire que tout ce qui est interdit à la piscine des humains est au programme des divertissements des macaques. Sauter sur son congénère qui flotte, le noyer en l’entraînant dans les profondeurs, courir sur les rochers mouillés, tout est prétexte à ressentir ce milieu régit par la poussé d’Archimède. Ils sont capables de longues apnées, yeux grands ouverts poursuivant leurs jeux terriens dans l'élément liquide, se mordant, se tirant les « cheveux ». Ce sont manifestement les plus jeunes qui s'adonnent à ces délices aquatiques avec le plus de passion.
L'eau peut aussi être un refuge, une échappatoire quand la violence s'exprime au sein du groupe. Chez les macaques la coalition en cas de conflit est la règle. A trois contre un, le plongeon suivi d'une longue apnée est une option raisonnable.
Nos ancêtres étaient des plagistes
© Cyril Ruoso
L'étude approfondie des troupes de macaques qui vivent sur les côtes et principalement de l'exploitation des coquillages a permis aux paléo anthropologues d'avancer de nouvelles hypothèses sur la sortie du berceau africain par nos ancêtres. Ils auraient pu eux aussi, à l'instar des macaques, exploiter les fruits de la mer des côtes de l'océan Indien en progressant au fur et à mesure de la raréfaction de la ressource.
De loin en loin, longeant la limite de leur monde, ils seraient devenus asiatiques. Décidément l'observation de nos cousins nous ramène toujours à la fascinante question de nos origines.
Retrouvez tous nos voyages à la rencontre de la faune.
En savoir plus sur les macaques crabiers :
- Nous vous invitons à découvrir le film de notre ami Cyril Ruoso et Dominique Hennequin, disponible dans son intégralité sur le site de la chaîne Arte du 03/12/2020 au 08/01/2021 : Les singes qui voulaient voir la mer. Quarante-trois minutes en plongée dans l'intimité des macaques crabiers.