Quand on pense aux bonobos, c’est généralement la liberté qu’ils expriment dans leur sexualité qui nous vient en premier. Cet aspect de leur comportement est en effet celui qui retient l’attention, tant les médias n’ont cessé de l’évoquer avec parfois de larges exagérations. Pourtant, hormis cet aspect de leur comportement, les bonobos restent assez mal connus du grand public. Un voyage Saïga en République démocratique du Congo, pays où l'espèce est endémique, nous donne une occasion de les mettre en lumière.
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Comment les reconnaître ?
Le Bonobo (Pan paniscus), également appelé Chimpanzé nain ou Chimpanzé pygmée est de taille similaire à son cousin le Chimpanzé commun (Pan troglodytes), mais il est plus mince et plus gracile. La tête est également légèrement plus petite.
Le Bonobo est l’un des cinq grands singes (avec le Chimpanzé, le Gorille, l’Orang-outan et nous, les humains) et, de ce fait, est dépourvu de queue. Avec le Chimpanzé commun, le Bonobo est le primate le plus proche de notre espèce avec laquelle il partage plus de 98 % du patrimoine génétique.
Le Bonobo est ainsi plus proche de nous qu’il ne l’est du Gorille. Les récentes études génétiques indiquent que la branche qui rassemblait Bonobos, Chimpanzés et Humains se serait séparée en deux il y a un peu plus de six millions d’années, laissant l’espèce humaine poursuivre son évolution séparément. Il y a près d’un million d’années, Bonobos et Chimpanzés se séparaient à leur tour.
© Renaud Fulconis
La face des Bonobos est sombre (celle des Chimpanzés est le plus souvent claire), les lèvres sont roses et ils ont de longs poils des deux côtés de la face et une raie au milieu du crâne. Les seins des femelles Bonobos sont plus développés que chez les autres grands singes (Humains non compris).
Les pieds disposent d’un pouce préhensile, et peuvent être utilisés comme des mains pour saisir des objets et se maintenir accroché dans les arbres. Les Bonobos sont également, après nous, les plus bipèdes des grands singes puisqu’ils se déplacent sur leurs pieds dans 20 % à 25 % de leurs mouvements au sol.
Où vivent-ils ?
Leur aire de répartition est limitée à la République démocratique du Congo, et plus particulièrement à une zone forestière délimitée au nord par le fleuve Congo, et par les rivières Kasai et Sankuru. Ces cours d’eau forment les barrières naturelles de leur habitat puisqu’ils ne peuvent nager. Cet habitat immense dépasse 200 000 km2, soit presque la moitié de la superficie de la France, mais il est difficile d’accès.
C’est pourquoi il est impossible de connaître la taille exacte de la population de bonobos sauvages. L’espèce évolue dans les forêts denses et humides où la température oscille entre 20 et 30 °C.
© Renaud Fulconis
À quoi ressemble la journée d’un bonobo ?
Ils sont principalement frugivores, mais se nourrissent également de graines, de pousses, de feuilles, de fleurs, de tiges, de champignons, ainsi que de vers, de larves, d’œufs et d’insectes. Ils peuvent aussi chasser des petits mammifères mais le font surtout si l’opportunité se présente. Les Bonobos ont parfois été observés en train de laver leur nourriture avant de la manger.
Ils sont actifs durant la journée et la recherche de nourriture les occupe durant environ 20 % de leur temps. À peu près la même proportion est passée à se nourrir. Ils se déplacent pendant plus de 10 % de la journée et parcourent en moyenne 2 kilomètres, mais leur principale activité quotidienne reste le repos (plus de 40 % d’une journée).
Le temps restant est occupé par d’autres activités, incluant le jeu. Ils trouvent leur nourriture dans les arbres à une hauteur variant entre 20 et 40 mètres. À l’aide de branches et de feuilles, ils construisent chaque soir un nid qu’ils ne réutilisent pas.
© Renaud Fulconis
Comme nous, les Bonobos sont des individus sociaux. Ils vivent en grands groupes des deux sexes, eux-mêmes divisés en groupes plus petits comprenant entre un animal solitaire et une vingtaine d’individus ou plus et sur des territoires estimés à 15 à 30 km2 environ. Ils peuvent intégrer un groupe ou un autre et y rester plus ou moins longtemps (cela se nomme la fission-fusion).
À un âge pouvant aller de 7 à 9 ans, les femelles quittent leur groupe d’origine pour rejoindre un autre groupe dans lequel elles passent beaucoup de temps à entretenir et maintenir les relations avec les autres femelles. Elles prennent de l’importance au sein du groupe en vieillissant, mais aussi lorsqu’elles deviennent mères, en particulier si leur progéniture est un mâle.
Les mâles qui souhaitent obtenir un rang supérieur dans la hiérarchie doivent s’associer avec la femelle dominante, car les femelles sont maîtresses de l’environnement social.
Et la sexualité des bonobos ?
Une particularité des Bonobos est la sexualité qu’ils utilisent comme un ciment social bien au-delà des accouplements pour la reproduction. Le sexe est ainsi utilisé pour réduire les tensions au sein du groupe, mais aussi pour obtenir de la nourriture ou dans les différentes phases pouvant conduire à l’obtention d’un rang social plus élevé.
Ces accouplements, généralement brefs et se limitant le plus souvent à de simples frottements des parties génitales, peuvent se produire avec n’importe quel individu du groupe, même entre mâles ou entre femelles, dans des positions très variées. Les Bonobos peuvent, par exemple, faire l’amour face à face et s’embrassent parfois en utilisant leur langue.
Si l’empathie, l’altruisme et la compassion sont des qualités que l’on peut leur prêter grâce notamment aux travaux concernant des individus en captivité, les études menées sur des Bonobos à l’état sauvage sont encore récentes. On sait cependant que l’agressivité peut survenir au sein des groupes, même si elle ne semble pas comparable à celle qui survient parfois chez les chimpanzés communs.
© Victor Narat
Comme les autres grands singes, ils sont menacés !
L’espèce n’a qu’un prédateur, majeur, nous les humains. Nous portons la responsabilité d’une déforestation croissante et très préoccupante. Elle est due à des grandes compagnies forestières commerciales, capables de rayer de la carte en peu de temps de grandes superficies de couverture forestière. Les populations locales qui ont besoin de place pour l’agriculture ou pour établir leurs villages et de bois de chauffage et de construction.
Les Bonobos sont également victimes des chasseurs puisque leur viande est vendue (illégalement bien sûr) sur certains des marchés de viande de brousse, mais aussi dans de nombreuses villes à l’extérieur de leur zone de répartition. Si les chasseurs reconnaissent qu’il leur faut aujourd’hui aller plus loin en forêt pour trouver leurs proies, le nombre de Bonobos chassés reste très inquiétant.
Les petits sont aussi vendus comme animaux de compagnie et souvent gardés, avant le plus souvent de mourir du manque de soins et de contact. En cela les bonobos sont aussi très proches de nous. Il est à noter que pour obtenir un petit, cinq à dix adultes sont généralement tués.
© Renaud Fulconis
Partir observer les bonobos sauvages
Peu de personnes, à ce jour, ont eu la chance d’observer des bonobos sauvages dans leur habitat. C’est possible avec le voyage À la recherche de nos cousins les bonobos que nous proposons en collaboration avec l’organisation congolaise Mbou-Mon-Tour. Au nord de Kinshasa, après une dizaine d’heures de pirogue sur le fleuve Congo et un peu de moto-taxi, nous parvenons au village de Nkala.
Dans ses environs, plusieurs groupes de bonobos ont été habitué à la présence humaine. Installés sous leurs nids avant le lever du soleil, nous pouvons, le matin, les voir se mettre en marche dans les branches, chercher leur nourriture, interagir et parfois s’installer dans le calme pour notre plus grand plaisir. On dit dans cette région que les bonobos sont des cousins ayant fui en forêt pour ne pas payer les impôts.
Contrairement aux autres zones de leur aire de répartition, ils ne sont donc pas chassés. Ce voyage est aussi l’occasion de découvrir le travail remarquable de l’association Mbou-Mon-Tour à destination des bonobos, mais aussi des villageois.
© Renaud Fulconis
Renaud Fulconis, responsable de Saïga
En savoir plus :
- Radio France – Olma – Episode 9, Les bonobos – 2022
- France Culture – La science CQFD – F. DE WAAL – Le singe d’une nuit d’été - 2022
- La viande de brousse, entretien avec JEAN-FRANCOIS LAGROT – Web-conférence Secret Planet - 2020
- DE WAAL F. (2015) Le bonobo, Dieu et nous. Babel
- Stratégie de conservation des bonobos – 2012 / 2022 - IUCN
- GRUNDMANN E. & RUOSO C. (2008) Grands Singes. Empreintes et Territoires
- GRUNDMANN E., RUOSO C. & FONTENAT D. (2008) L’homme est un singe comme les autres. Hachette Pratique
- DE WAAL F. (2006) Bonobo, le bonheur d’être singe. Fayard
- DIAMOND J. (2000) Le troisième chimpanzé. Gallimard