Situé sur la côte nord-est de l’Amérique du Sud, le département d’une superficie de 83 856 km2 est recouvert sur plus de 95 % de sa surface par la forêt amazonienne. Ce qui frappe les passagers des avions survolant la Guyane, c’est l’uniformité du paysage. L’impression de planer sur un gigantesque champ de brocolis aux infinités de teintes de couleur verte. Un département abritant une vingtaine d’ethnies possédant chacune sa langue propre, et une infinité d’espèces animales et végétales.
© Renaud Fulconis
Le second poumon de la planète
La Guyane dispose d’un climat intertropical. Cela signifie qu’il est isotherme et, ainsi, présente peu de différences de température tout au long de l’année (2 à 5°). Dans cette zone, c’est la pluie et non la température qui représente la variabilité annuelle la plus notable. En Guyane, il tombe entre 2 et 4 mètres de pluie chaque année, contre 600 millimètres à Paris. Pour l’Unesco, le département est la seconde région du monde en termes de disponibilité d’eau douce à l’état liquide, avec un volume de 800 000 m3 par habitant alors que la moyenne mondiale est de 1 800 m3.
Cette considérable humidité contribue à doter la Guyane d’une biodiversité exceptionnelle. Le département est constitué de milieux naturels comptant parmi les plus riches de la planète. Il est dit, qu’ici, un hectare de forêt abrite presque autant d’espèces d’arbres que dans l’Europe tout entière (environ 300 contre environ 450).
À ce jour, plus de 1 700 d’entre eux ont été répertoriés sur le territoire parmi 7 000 espèces végétales, dont notamment plus de 350 espèces d’orchidées. La cime est située à une quarantaine de mètres au-dessus du sol mais certains arbres isolés la dépassent d’une vingtaine de mètres encore. Sous cette épaisse couverture, seulement 2 à 3 % de la lumière du soleil parvient jusqu’au sol. Progresser en forêt n’est pas aussi difficile que le raconte bon nombre d’histoires. Le sol est humide et souvent gorgé d’eau et les pieds s’enfoncent dans les feuilles. Souvent, il faut traverser de petits cours d’eau qui marquent la forêt comme les veines sur la peau. Parfois, un oiseau passe entre les arbres. La Guyane compte 740 espèces avec, parmi les plus remarquables, le magnifique toucan Ariel, le discret martin-pêcheur nain, l’ibis rouge ou encore le coq de roche dont le plumage du mâle est paré d’une incroyable couleur orange vif.
En février 2020, la liste des mammifères était mise à jour avec 200 espèces répertoriées, soit autant que pour l’ensemble de l’Europe. Des lamantins et dugongs au tapir en passant par le jaguar, le singe hurleur, le tamanoir et de très nombreuses espèces de chauve-souris, pour ne citer qu’eux.
La Guyane est aussi l’environnement des amphibiens avec 124 espèces et des reptiles avec 161 espèces dont les caïmans noirs, une petite centaine de serpents ou encore 11 tortues terrestres.
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L’univers des arthropodes
Ce qui frappe cependant le plus le voyageur qui, pour la première fois, s’aventure en forêt, c’est le bruit. Le bruit produit par les singes hurleurs dont le cri s’entend à plus de 4 kilomètres, les oiseaux, mais plus encore peut-être, celui des invertébrés. Les scientifiques en répertorient chaque année de nouvelles espèces et en compte déjà plus de 100 000. Parmi elles, l’embranchement des arthropodes (aux pattes articulées) est celui qui rassemble la grande majorité d’entre elles. Insectes et arachnides sont les classes que vous remarquerez le plus facilement tant leur observation est facile. Les coléoptères regroupent certaines des espèces d’insectes les plus remarquables en Guyane. Parmi elles, puis parmi les Cerambycidae, qui comptent plus de 300 espèces en Guyane, on trouve certains des plus grands insectes du monde dont le Titan (Titanus giganteus) qui, chez les coléoptères, peut dépasser les 16 centimètres. Ce dernier caracole en tête des plus grands insectes terrestres du monde.
La Guyane est aussi connue pour abriter, parmi la trentaine d’espèces de mygales recensées, la plus grande araignée du monde. La mygale de Leblond (Theraphosa blondi) peut atteindre les 30 centimètres de diamètre, pattes comprises bien sûr. Elle niche dans un terrier qu’elle construit ou qu’elle trouve abandonné, et ne s’en éloigne jamais de plus de quelques mètres pour chasser. Parmi ses proies favorites on compte les insectes, vers de terre, et plus rarement grenouilles, serpents, oiseaux, lézards et petits rongeurs. Vous ne risquez rien en marchant en forêt, mais mieux vaut faire attention à ses poils urticants qu’elle peut projeter si vous l’embêtez. Les mygales de Leblond peuvent vivre jusqu’à 14 ans.
Plus facile à observer, la Matoutou (Avicularia avicularia), mygale arboricole, est considérée par beaucoup comme un animal domestique. De couleur noire avec le bout des pattes orange, elle est facile à trouver aux abords des maisons, quand elle ne s’installe pas tout simplement dans un angle du plafond, à l’intérieur.
La Matoutou
Les autres araignées ne sont pas en reste: au total, la faune de Guyane inclut près de 700 espèces recensées, dont plus de la moitié sont endémiques ! Parmi les plus remarquables, on peut citer les minuscules araignées sociales (Anelosimus eximius) dont les toiles collectives couvrent des buissons entiers, ou les araignées pêcheuses (Ancylometes spp. et Trechaleidae) qui plongent dans les ruisseaux pour attraper des poissons ou des têtards…
Partir à la rencontre de ces animaux en Guyane, c’est aussi s’ouvrir à la possibilité excitante de rencontrer une espèce entièrement nouvelle à chaque détour de chemin : la majorité des araignées du département sont encore à découvrir, puisque leur diversité réelle est estimée à plus de 1 500 espèces, presque autant que dans toute la France métropolitaine !
Si vous affectionnez particulièrement ces animaux ou souhaitez simplement mieux les connaître, accompagnez Benjamin Carbuccia, aranéologue et expert Saïga, et Jérémie Lapèze, entomologiste, en Guyane en janvier prochain. Une plongée dans le monde fascinant des araignées et des insectes.
© Renaud Fulconis
Le parc amazonien de Guyane
Créé en 2007, d’une superficie de 34 000 km2, il couvre une bonne partie du centre et du sud du département (40 %). Il est l’une des plus grandes aires protégées du monde et abrite une des plus riches zones de la planète en termes de biodiversité. Il est aussi l’habitat de plus de 21 000 représentants des communautés amérindiennes, noirs-marrons et créoles.
Il n’est accessible qu’en avion ou en pirogue et a pour mission de « contribuer au développement des communautés d’habitants qui tirent traditionnellement leurs moyens de subsistance de la forêt, en prenant en compte leur mode de vie traditionnel et participer à un ensemble de réalisations et d’améliorations d’ordre social, économique et culturel dans le cadre du projet de développement durable défini par la charte du parc national ».
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Le fleuve Maroni
Cours d’eau traversant la forêt amazonienne sur 611 kilomètres, le fleuve Maroni est bien plus que la frontière géographique et administrative entre le département de la Guyane française et le Surinam.
Si la signature en 1713 du traité franco-hollandais d’Ultrecht officialisait le fleuve comme la frontière entre la France et le Surinam, ce n’est que le 15 mars 2021 que fût fixé, sur les 400 kilomètres de la partie inférieure, le tracé définitif. Il affirme que la frontière est constituée de la ligne équidistante des deux rives, corrigeant ainsi les erreurs figurant sur les cartes IGN depuis les années 50.
Il prend sa source très au sud, à la frontière avec le Surinam et le Brésil, et dans le Parc amazonien de Guyane. Le descendre depuis la grosse commune de Maripasoula est une expérience inoubliable. Ce parcours d’une semaine est jalonné de nombreuses îles, mais aussi de sauts, le nom donné aux rapides, qui requièrent la dextérité du pilote de la pirogue et de son assistant, pour ne pas s’échouer sur un des nombreux rochers à fleur d’eau. Le soir, la pirogue d’arrête dans l’un des nombreux villages qui ponctuent les berges entre deux zones de forêt dense. Les nuits en hamacs dans des carbets de passage sont mémorables. Une obligation cependant, s’assurer que la moustiquaire est bien installée tant les minuscules insectes peuvent rendre le repos qui s’impose impossible.
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Le fleuve est une frontière invisible sur lequel navigue librement les populations riveraines du Surinam comme de la France. Le fleuve est la vie pour celles et ceux qui chaque jour s’y lavent, y font leur vaisselle et la lessive. Paradoxalement, les eaux de surface sont aussi vectrices de maladies pour des populations fragilisées n'ayant pour beaucoup pas accès à l’eau potable. Le mercure est aussi présent dans les eaux du Maroni et contamine le poisson. Il est utilisé pour amalgamer l’or par les orpailleurs qui l’exploite d’une manière le plus souvent illégale.
Voguer au fil du Maroni, est une expérience forte. Un moyen de s’immerger dans la complexité de cette voie de communication fondamentale pour un nombre considérable d’habitants des deux rives, et des deux pays.
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Vous aimeriez découvrir le Maroni ?
Embarquez avec Benjamin Carbuccia en janvier prochain pour une immersion dans l’univers fascinant des mygales de Guyane, au cours de laquelle vous descendrez le Maroni depuis Maripasoula.
Texte de Renaud Fulconis et Benjamin Carbuccia.