Surpeuplée, engorgée, sujette aux intempéries et à la montée des eaux… La capitale indonésienne Jakarta est au bord de l’essoufflement. C’est la raison pour laquelle le président actuel, Joko Widodo, a annoncé fin août vouloir déplacer la capitale politique et administrative du pays ailleurs… Sur l’île de Bornéo.
Une nouvelle capitale politique à Bornéo
Deux sites ont été étudiés, avant que la décision du gouvernement ne penche finalement pour des terrains dans l’Est de la province de Kalimantan. Cette zone a été choisie pour la faible exposition qu’elle semble avoir aux catastrophes naturelles comme les tremblements de terre, les tsunamis, l’élévation du niveau de la mer ou encore les incendies de forêt.
Même si, sur ce dernier point, le gouvernement a déjà prouvé qu’il s’était trompé, les feux de l’été 2019 ayant produit des fumées jusque dans cette région. Qu’importe, le gouvernement semble bien décidé.
Avec cette nouvelle capitale, l’Indonésie espère désengorger Jakarta, aujourd’hui surpeuplée avec plus de 9,7 millions d’habitants intra-muros et plus de 30 millions en comptant la périphérie. Le gouvernement veut également se prémunir contre des risques environnementaux, et notamment la montée des eaux qui menace dangereusement la capitale actuelle.
En effet, cette dernière s’enfonce chaque année un peu plus – jusqu’à 30 cm par an par endroit – en-dessous du niveau de la mer. Elle est régulièrement ravagée par les flots, des quartiers entiers sont inondés et rien ne permet de penser que la situation s’améliorera un jour.
Un coût financier et environnemental
Mais faire sortir de terre une nouvelle capitale présente un coût exorbitant. D’autant que le président indonésien veut aller vite : les travaux pourraient démarrer dès 2020 avec pour ambition d’accueillir les premiers habitants à partir de 2024. Le déménagement de 200 000 fonctionnaires à cette date est déjà au programme. En quatre ans, donc, l’Indonésie espère bâtir sa nouvelle capitale politique en pleine nature. Un chantier gigantesque dont le montant se chiffre autour de 466 000 milliards de roupies, soit environ 33 milliards de dollars.
En plus de son coût financier, le déplacement de sa capitale pourrait coûter très cher à l’Indonésie et son environnement. Le choix de Bornéo pour construire cette nouvelle ville a en effet largement été dénoncé par les défenseurs de la nature. Pour rappel, cette grande île partagée en trois pays – la Malaisie au Nord, l’Indonésie au Sud et une enclave du Bruneï au centre de la partie malaisienne – a longtemps été recouverte d’une forêt primaire vieille de plusieurs millions d’années.
Dévastée par la déforestation, les incendies – notamment à cause de pratiques agricoles comme la culture sur brûlis qui consiste à mettre le feu à la forêt pour la défricher plus rapidement –, l’exploitation minière et l’industrie de l’huile de palme, Bornéo est déjà une zone fragile. Des pans entiers de forêts tropicales ont disparu au cours des dernières décennies, privant la faune locale d’habitat. Les nasiques, les orangs-outans, les gibbons mais aussi les panthères nébuleuses ou encore les éléphants pygmées sont de plus en plus menacés.
Des risques à venir
Si pour l’instant, le site ciblé par le gouvernement indonésien ne touche pas directement l’habitat de cette faune en danger, les risques de la menacer davantage à court et moyen termes sont grands. L’expansion urbaine et agricole est bien évidemment en ligne de mire. Faire migrer plusieurs centaines de milliers – voire millions – de personnes dans une zone vide implique de devoir nourrir cette population et lui fournir de quoi subvenir à ses besoins.
Sans parler de la construction d’infrastructures (comme un aéroport par exemple) et de routes pour rallier cette nouvelle capitale. Surtout que pour de nombreux détracteurs de ce projet, déplacer la capitale à Bornéo ne résoudra en rien les problèmes de Jakarta, qui restera quoi qu’il arrive la capitale économique du pays. À elle seule, l’île de Java concentre 58,8 % du PIB de l’Indonésie, contre seulement 8 % pour Bornéo. Si quelques millions de personnes décident de migrer vers le nouveau site, bien plus encore resteront sur place pour l’attractivité économique de la zone.
Jakarta restera donc une ville engorgée et menacée par la montée des eaux, tandis que la nouvelle capitale risque de n’attirer que peu d’habitants. C’est ce qui s’est passé en Birmanie, lorsque le gouvernement a choisi de déplacer sa capitale politique de Rangoun à Naypyidaw. Des routes hors normes et extra larges – jusqu’à deux fois dix voies ! – et des bâtiments immenses ont ainsi été construits à la hâte en pleine jungle. Aujourd’hui, la ville est quasi déserte, uniquement habitée par des fonctionnaires et quelques touristes de passage.
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