Autrefois, était le Gonwana. Cette immense terre s’est disloquée et Madagascar est devenue un monde à part ; isolée du devenir africain et indien, elle s’est faite continent à elle seule avec sa diversité géomorphique, sa flore et sa faune endémiques. Elle est la mémoire vivante dee temps perdus. En ses terres du sud, le Makay est un massif de grès jaune ruiniforme, conséquence de plusieurs millions d’années d’érosion, d’environ 160 km du Nord au Sud et de 50 km d’Ouest en Est ; il appelle des superlatifs en tout genre tant il est exceptionnel. Avec notre expert Stéphane Thamin qui fréquente avec passion ses sentiers depuis 2013, Tamera vous entraîne là-bas dans des aventures mémorables. Aventure de terrain, aventure humaine dans un univers fascinant et unique au monde.
Stéphane, tu as découvert le Makay en 2013 avec l’association Naturevolution qui a beaucoup œuvré pour le faire connaître dans des conditions favorables à la protection du massif. Tu t’es pris de passion pour ce site alors que tu connais Madagascar depuis au moins 15 ans. Te souviens-tu de tes premières impressions, de tes émotions lors de ce premier voyage dans le Makay?
Le Makay fait rêver bon nombre de personnes à travers de multiples reportages et documentaires. De passer du rêve à la réalité a été pour moi la découverte d’un des sites les plus exceptionnels de Madagascar. Pour cette première expérience, j’ai eu la chance de rentrer au cœur de ce massif loin des sentiers habituels parcourus par quelques trekkeurs. Ascensions, descentes en rappel, nages entre les parois, escalades de bloc rocheux, rien de tel pour avoir une belle idée des richesses environnementales présentes au sein des nombreuses infractuosités de ce massif qu’on surnomme à raison , le cervelet.
Et aujourd’hui ? Peut-on devenir intime, disons très familier avec ces espaces ? Gardent-ils encore pour toi des mystères ?
A l’heure actuelle, nous avons une connaissance réelle de ce massif qui nous permet de proposer de bien belles aventures en son cœur. Par contre, sa superficie, plus grande à elle seule que l’Ile de la Réunion, et ses innombrables canyons dont beaucoup infranchissables garderont longtemps de réels mystères.
Tu vis à Madagascar, tu connais bien cette Ile Rouge. Par rapport à d’autres massifs de la région (Isalo, Andringitra, par exemple) qu’est-ce qui fait la singularité du Makay hormis le fait qu’il est moins connu et moins fréquenté. Je veux parler de sa singularité naturelle : ses reliefs, sa végétation, ses animaux, ses paysages…
Constitué d’une multitudes de couches de grès pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres espacées de temps à autre par nombres de veines argileuses aux multiples colorations, les nombreux canyons du Makay sont issus de l’érosion permanente de son substrat. Cette érosion a permis la formation de niches écologiques uniques au monde sous la forme de lacs ou de parties boisées et bien souvent difficiles d’accès. L’isolement ancien a entraîné un taux d’endémisme inégalé dans bien des domaines naturalistes. Le relief tourmenté du massif permet à de nombreuses espècs végétales de trouver leur place et ainsi favorise la diversité des observations entre les parties arides des plateaux supérieurs ou le fond des canyons humides. Lors des treks, on est émerveillé de la palette infinie des couleurs que présentent les paysages et… les parois des canyons qui font penser à Pétra.
Madagascar est réputée pour ses lémuriens : combien y-t-il d’espèces dans le Makay ? Les approche-t-on facilement ?
Onze espèces diurnes et nocturnes habitent le massif du Makay. Les Propitèques de Verreaux et les Eulémur Rufifrons sont les deux espèces les plus observées. Mais, le soir venu, à la lumière discrète de nos frontales, quelques observations d’espèces nocturnes ravissent nos trekkeurs comme le Mirza Coquereli. Par ailleurs, une centaine d’espèces d’oiseaux est recensée et souvent, au ruissellement de l’eau dans les canyons se mêlent les sons des perroquets joueurs qui nous accompagnent…
Qu’est-ce que le voyageur qui a déjà visité Madagascar trouvera d’unique au Makay ? Quelle raison pourrait le faire revenir dans ce pays pour l’explorer ?
Madagascar est riche en diversité naturelle et le Makay est une terre unique au monde. Y venir, c’est s’offrir de nouvelles sensations façon Indiana Jones, expérimenter bon nombre de parcours de trekking, tous aussi variés les uns que les autres. Chaque journée de marche et chaque étape sont différentes et permettent tour à tour de prendre conscience des nombreuses richesses faunistiques, floristiques et géologiques de ce vaste terrain d’aventures. Revenir à Madagascar pour le Makay c’est découvrir un autre visage de ce pays inépuisable. Par ailleurs, c’est dans le Makay que l’on a découvert le seul site de peintures rupestres répertoriées de Madagascar.
Et qu’est-ce que le massif représente pour les villages riverains – car je crois qu’il n’y en a pas à l’intérieur même du Makay. Y ont-ils enterré des défunts comme dans l’Isalo autrefois ? Y-t-il des lieux sacrés ? Sont-ils sensibles à sa beauté et à sa sauvagerie ?
Il y a effectivement de nombreux villages présents sur le pourtour du massif dont les habitants sont majoritairement issus de l’ethnie Bara. Les défunts ont droit à des cérémonies animistes avant d’être déposés à l’intérieur du massif dans des grottes ou abris sous roches que les villageois verrouillent avec des murs de pierre. C’est aussi pour cela que le massif reste sacré pour bon nombre de locaux.Ils ne sont pas particulièrement sensibles à la beauté des paysages que recherchent les trekkeurs et nous accompagnent parce que c’est leurs terres et qu’ils sont bien rémunérés pour leur travail.
Avec ton accompagnement d’expert, Tamera propose deux types de’exploration du Makay. L’un semble plus aventureux que l’autre, mais quelle est la différence fondamentale entre les deux : les activités, la facilité, l’étendue de la découverte… ?
Nous restons sur une même ligne cartographique nord sud dans chacun des circuits proposés. Ce qui les différencient est la difficulté apportée lors de la progression avec un circuit trekking cheminant entre plateaux supérieurs, vallées, canyons, forêts et villages. Alors que le parcours Aventure, permet aux trekkeurs de revêtir le personnage d’un Indiana Jones des temps modernes : nage dans les canyons, cordes, franchissemnts de blocs rocheux et observations en haut de la canopée.
Quels critères utiliser pour se décider sur l’un ou l’autre programme?
Les sportifs préfèreront l’Aventure (et seront comblés), les comtemplatifs une marche moins accidentée … (Sourire).
Tu te fais assister d’une équipe solide de malgaches que tu as formés (cordistes, pisteur, porteurs, cuisinier, guide). Cette formation et ce travail ont-ils permis à ces personnes de mieux comprendre les richesses de leur massif et ont-ils le souci de le protéger ou n’est-ce, pour eux, qu’une opportunité touristique à saisir ?
Il est difficile à Madagascar de changer les us et coutumes, les habitudes et les pensées. Notre idée est d’apporter lors de chaque séjour des faits et gestes qui pourront un jour, nous l’espérons, apporter un autre regard de ces villageois à leur environnement. Mais nous insistons sur le fait que nous ne sommes pas chez nous et que nous nous devons de respecter ce peuple tout en essayant d’en comprendre les problématiques et intéractions liés à la biodiversité d’un milieu si fragile.
Qu’espèrent-ils du tourisme : un développement qui reste relativement confidentiel pour la préservation du Makay ou du grand nombre qui risque de dénaturer les lieux ? D’ailleurs, est-il possible d’envisager, pour la découverte du Makay, des groupes importants ? Qu’il devienne, d’une certaine façon, une sorte de passage obligé dans la découverte du sud malgache ?
A l’heure actuelle, les villageois présents sur les contreforts du massif du Makay ne comprennent pas à quelles richesses nous, étrangers, faisons allusion. À nous, responsables et organisateurs de ces trekkings, de former nos équipes pour arriver à une réelle complémentarité avec les villageois afin de les inviter à nous aider à protéger ce milieu en danger. J’ai fait venir des formateurs français à Madagascar dans le but de d’enseigner aux chaudronniers locaux desx techniques de fabrication de foyers améliorés à économie de bois ou de charbon. Lors de chacun de nos trekkings, nous achetons plusieurs de ces modèles portatifs que nous utilisons avec nos cuisiniers et porteurs bara locaux. L’idée étant de réduire notre propre consommation de bois mais également de montrer aux locaux que ce matériel peut être une alternative à leurs habitudes dévastatrices. Aussi, à la fin de chacun de nos séjour nous les proposons gratuitement à nos accompagnateurs locaux et … c’est un succès garanti ! En ce qui concerne la taille des groupes nous ne prenons pas plus de 8 personnes sur le parcours aventure et 10 personnes sur le parcours trekking.
Revenons à toi … tu fais du travail de conseil et de formation auprès des populations riveraines du Makay. Peux-tu nous en dire davantage ? Sur quoi porte particulièrement ton travail et la formation : la connaissance de la flore et de la faune ? Le répertoriage de nouvelles espèces ? La découverte d’autres itinéraires dans le Massif ?
Plusieurs axes d’échanges sont proposés : formation de cuisiniers locaux (nous sommes les seuls à être accompagnés d’un cuisinier local que nous avons formé), approches des techniques de guidage (j’ai un Brevet d’Etat d’accompagnateur en Moyenne Montagne), sensibilisation au respect de leur environnement (on leur demande, par exemple, de détruire les pièges à lémuriens lorsqu’on en appercoit), tri des déchets ; sur les parcours, on utilise des toillèttes sèches et des douches portatives.Lors des journées ou des bivouacs on discute ensemble sur les espèces observées ce qui nous permet aussi d’apprendre leur rapport au monde animal et végétal qui le entourent.
Dernière question : Madagascar frappe souvent le voyageur par sa grande pauvreté. Est-ce bon ou utile de faire du tourisme relativement cher (car la destination est assez coûteuse en général) dans un pays qui fait partie des plus pauvres de la planète ? Qu’est-ce que nous apportons réellement au peuple malgache en visitant ses terres et en nous émerveillant de sa nature ?
Je ne pense pas que la pauvreté frappe nos voyageurs lors de leur séjour au Makay. Ils savent , en venant ici, que c’est des pays les plus pauvres au monde mais sont surpris de ne pas physiquement le constater. Les billets d’avion sont prohibitifs sur la destination Madagascar et à cela se rajoutent le coût de location des 4x4 ainsi que le prix du carburant qui est à hauteur des prix pratiqués en Europe. Ces trois critères impactent sur le prix final d’un séjour. Je suis le seul étranger de mon équipe et je ne reçois pas de salaire. L’ensemble des gains est reversé aux malgaches qui nous accompagnent ainsi qu’à mon agence réceptive. Les hommes de mon équipe, des porteurs aux guides, sont rémunérés par jour bien plus du double de ce qu’ils gagnent habituellement en une journée de travail. C’est normal si nous voulons faire progresser leur bien-être et les sensibiliser et impliquer dans leur tâches et la préservation du massif. Tous les villages aux alentours du Makay sont concernés dans le recrutement des équipes, pour éviter les jalousies et la constitution, par le tourisme, d’une hiérachie économique - hiérachie qui serait nuisible à la sociabilité chère aux malgaches. Nos groupes passent également du temps dans certains villages pour connaître et comprendre les traditions et les coutumes de leurs hôtes ; j’ai proposé à une villageoise de créer une pièce ou recevoir nos trekkeurs pour la nuit. La première chambre chez l’habitant est donc née il y a deux ans et demie. J’essaye aussi de développer une approche du commerce équitable en leur proposant de vendre leurs très belles nattes ou leurs outils à nos voyageurs. Cette interaction culturelle me semble nécessaire pour les uns et les autres.
Merci beaucoup Stéphane de ta disponibilité et de nous faire partager ton enthousiasme pour ce massif rare.
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