09 mars 2016 - Éthiopie, Peuples et fêtes, Afrique

<p>
Semi-nomades, les peuples animistes de la vall&eacute;e de l&rsquo;Omo du sud &eacute;thiopien ont d&eacute;velopp&eacute; un univers symbolique d'une extr&ecirc;me richesse et d'une grande vari&eacute;t&eacute;. Les peintures corporelles, les scarifications, les coiffes de plumes, les bracelets et colliers, les labrets marquent le clan auquel on appartient, du guerrier que l'on est, de l'&eacute;pouse que l'on peut devenir. &Eacute;tourdissement de formes, de couleurs, de signes &eacute;nigmatiques qui embellissent les corps et les visages.&nbsp;</p>
<p>
&nbsp;</p>
<p>
<strong>Entre nature et soci&eacute;t&eacute;</strong><br>
Surma, Dassanetch, Karo, Hamar, Nuer, Arbore, Konso, Bumi ... dans la basse Vall&eacute;e de l'Omo, sur les deux rives, les individus sont moins attach&eacute;s &agrave; un lieu pr&eacute;cis qu'&agrave; une ethnie; leur richesse est traditionnellement les troupeaux men&eacute;s aux diff&eacute;rentes p&acirc;tures en fonction des saisons et ils vivent donc immerg&eacute;s dans une nature vaste, diverse tant&ocirc;t exub&eacute;rante et tropicale, tant&ocirc;t savane s&egrave;che parsem&eacute;e d'acacias. Cette existence li&eacute;e au d&eacute;placement relativise l'importance de l'habitat mais valorise celle du corps et des objets qu'il peut emporter: sur ce corps en cons&eacute;quence vont appara&icirc;tre les renseignements n&eacute;cessaires &agrave; l'identification des personnes, les signes d'appartenance au clan, les pratiques m&eacute;dicales d'une tribu, le statut social, la classe d'&acirc;ge, la biographie personnelle, etc. Ainsi, les Mursi arborent avec fiert&eacute; les cicatrices volontaires qui t&eacute;moignent de leurs prouesses de chasse ou de combat, les femmes Karo, les scarifications ventrales qui racontent leurs maternit&eacute;s. De plus, tous les "dons" de la nature sont requis et subvertis pour ces symbolisations corporelles: casque de boue &eacute;labor&eacute; et color&eacute; des Karos, des Hamars ou des Bumi, surmont&eacute; de plumes de paon, d'autruche ou de pintade pour signifier la f&ecirc;te, le courage ou la chasse, parures de peaux animales, de cuirs et de dents de phacoch&egrave;res pour indiquer courage et d&eacute;sir de s&eacute;duction, tresses magnifiques de beurre et d'ocre des femmes Hamar ... Code complexe de socialisation et esth&eacute;tique, p&eacute;rennisation des vertus et beaut&eacute; &eacute;ph&eacute;m&egrave;re se croisent dans ces chairs qui sont rien moins que "naturelles".</p>
<p>
&nbsp;</p>
<p>
<img alt="" src="/sites/default/files/blog/135_0002_Philippe-Frey_0.jpg" style="width: 214px; height: 300px; border-width: 4px; border-style: solid;" data-entity-type="file" data-entity-uuid="98a80957-28c5-4d8f-899f-bbb0aa7fae66">&nbsp;&nbsp;<img alt="" src="/sites/default/files/blog/135_0009_bernard-ritz_0.jpg" style="height: 300px; width: 340px; border-width: 3px; border-style: solid;" data-entity-type="file" data-entity-uuid="0cbfb609-46d4-46ea-a10c-3919ae98f9f0"></p>
<p>
&nbsp;</p>
<p>
<strong>Le myst&egrave;re du labret</strong><br>
Ainsi en est-il du labret, ce plateau d'argile ou de bois, rond ou trap&eacute;zo&iuml;dal, que les jeunes filles et femmes portent sur la l&egrave;vre inf&eacute;rieure chez les Mursi et les Surma. Coutume symbolique et valeur esth&eacute;tique, le myst&egrave;re demeure n&eacute;anmoins de l'origine de cette pratique. &Eacute;tait-ce pour d&eacute;courager les ennemis de s'emparer de leurs vierges et femmes? Pour emp&ecirc;cher les d&eacute;mons de p&eacute;n&eacute;trer le corps par la bouche? Pour indiquer, par la dimension du labret, la dot n&eacute;cessaire &agrave; une demande en mariage? Ou simplement "pour faire beau"? Aujourd'hui, la valeur de la femme semble la signification majeure de cet ornement: en &acirc;ge de se marier, la jeune fille apr&egrave;s s&rsquo;&ecirc;tre fait percer la l&egrave;vre et extraire des dents de la m&acirc;choire inf&eacute;rieure s'efforce de distendre cet orifice en y ins&eacute;rant des disques de taille toujours croissante. Il peut atteindre 25 centim&egrave;tres de diam&egrave;tre et se maintient &agrave; l'horizontale en public &agrave; l'aide des incisives sup&eacute;rieures. Normalement, les femmes ne peuvent le quitter que pour dormir, manger, travailler, voyager&nbsp; ... ou en seule pr&eacute;sence d'autres femmes.</p>
<p>
&nbsp;</p>
<p>
<strong>Le bonheur du corps peint</strong><br>
Mais le plus vertigineux dans ces r&eacute;gions du sud &eacute;thiopien reste la cr&eacute;ativit&eacute; picturale dont la majorit&eacute; ethnies font preuve: les corps et les visages sont peints avec un art consomm&eacute; et une connaissance enti&egrave;re des mati&egrave;res, des textures, des couleurs, des formes. Que le but soit d'exprimer la bravoure ou de la renforcer, de s&eacute;duire, de se prot&eacute;ger contre les esprits, d'intimider l'adversaire dans les luttes, de f&ecirc;ter les r&eacute;coltes, l'art de se peindre et de dessiner est port&eacute; &agrave; son comble - en particulier par les hommes. S'enduisant le corps d'eau et de craie, de p&acirc;te calcaire, ils tracent, au doigt, &agrave; la brindille, au roseau, avec minutie et inspiration des formes &eacute;labor&eacute;es en ocres rouge, jaune et blanc, avec du noir, avec des pigments v&eacute;g&eacute;taux. Il y a fantaisie et cr&eacute;ation dans ces d&eacute;corations, expression illimit&eacute;e de l'imagination appuy&eacute;e sur la contemplation de la nature mais aussi respect de codes sociaux pr&eacute;cis qui permettent &agrave; chacun de reconna&icirc;tre les familles, les &acirc;ges, les fonctions, les intentions de l'individu ... Le sens de la sym&eacute;trie et de l'&eacute;quilibre des couleurs est surprenant dans ces dessins qui repr&eacute;sentent parfois la robe d'un animal: vache, l&eacute;opard, antilope, ... Rayures, ocelles, spirales et torsades, &eacute;toiles, fleurs: ces tableaux provisoires d'une importance capitale s'harmonisent aux corps en suivant leurs reliefs et consolident les liens sociaux car ils requi&egrave;rent l'aide des compagnons ou compagnes.<br>
Chairs incis&eacute;es, chairs peintes, t&ecirc;tes par&eacute;es: ainsi s'&eacute;changent, dans les basses r&eacute;gions de l'Omo, &agrave; m&ecirc;me les corps presque nus, les informations et les nouvelles utiles pour engager salutations et dialogue.</p>
<p>
&nbsp;</p>
<p style="text-align: center;">
<img alt="" src="/sites/default/files/blog/1319%281%29_0.jpg" style="width: 610px; height: 400px; border-width: 3px; border-style: solid;" data-entity-type="file" data-entity-uuid="2b8ef1f2-526b-4b39-b40b-b7fe4336f383"></p>